𝐋'𝐄𝐍𝐅𝐀𝐍𝐓 𝐏𝐀𝐑𝐅𝐀𝐈𝐓

Papa, Maman,

Vous écrire cette lettre me demande beaucoup de courage, mais je crois que c'est le moment, pour nous tous, que vous entendiez, pour une fois, ce que j'ai à vous dire.

Je vois et j'entends beaucoup de choses vous savez, et même si souvent, vous pensez que je ne comprends pas, n'entends pas, ne vois pas, sachez que vous êtes dans le faux.

Je vois bien, dans vos yeux, toutes ces fois où je ne vous plais pas, où vous m'aimeriez autrement, différent, peut-être, et j'ai mal.

Je sais, parce que je le sens, que vous attendiez l'enfant parfait, celui qui vous rendrait fier d'être parents. Celui dont vous parleriez en des termes élogieux, parce qu'il est toujours à la hauteur de vos attentes, vous rassurant sur vos compétences à être de "bons parents", et j'ai mal.

Je sais que vous espériez, mieux, que vous attendiez un enfant beau, intelligent, sage, propre, docile, obéissant, poli, lisse. Un enfant studieux, capable d'initiatives, autonome, qui ne fait pas de colères - à ce sujet, je ne fais pas de colères, j'en ressens, souvent, tout comme vous, - ne réclame pas, est toujours satisfait, quelle que soit la situation, et j'ai mal.

Je sais combien vous m'avez imaginé correspondant à toutes vos attentes, toutes ces projections que les futurs parents font quand ils savent qu'ils vont le devenir, et j'ai mal.

Je sais aussi que vous n'avez jamais imaginé qu'avoir un enfant renvoie inévitablement à ses propres émotions, ses désordres et conflits intérieurs, ses blessures et autres traumas.

Je vois bien, et je le sens, aussi, toutes ces fois où je suis en trop, où la vie serait plus simple si je n'étais pas là. Je sens bien que vous ne savez pas comment faire avec moi. Je ne comprends pas, vous m'avez voulu, pourtant....et j'ai mal.

Je vous entends, vous plaindre, quand vous discutez entre vous ou vous confiez à d'autres et souvent, j'ai le sentiment d'être un poids, et j'ai mal.

J'entends, dans vos mots, vos reproches, nombreux, toutes ces fois où la colère vous emporte, me disant tout votre désamour, et j'ai mal.

Je ne comprends pas toute cette violence ni ce que j'ai fait pour mériter ça et j'ai mal.

Alors je m'interroge, je me demande ce que je devrais faire pour être aimé de vous. Parce que si vous vous ne m'aimez pas, qui le fera?

Et j'ai mal.

Je vois bien que je vous déçois parce que mes résultats scolaires ne sont pas à la hauteur de vos espérances, que vous vous demandez ce que vous avez fait pour avoir un enfant comme ça, comme si j'étais une malédiction, et j'ai mal.

Je vois bien, toutes vos tentatives de me changer, me façonner à votre image, celle que vous vous êtiez faite de moi et combien ça vous est insupportable que je sois si éloigné de votre réalité, et j'ai mal.

Je vois bien comme je vous agace, vous encombre et que les moments de joie se comptent sur le bout des doigts, et j'ai mal.

Je vois bien que vous ne m'entendez pas et que je suis la cause de tous vos tracas, je suis LE problème, soyez assurés que vous êtes très clairs à ce sujet, et j'ai mal.

Je ne grandis pas comme vous aimeriez, je ne pratique pas ou n'aime pas les activités que vous aviez choisies pour moi, je ne fais pas de danse, de musique, de théâtre, je n'aime pas lire, rien, à vous entendre, ne semble m'intéresser, et j'ai mal.

Parce que détrompez-vous, j'ai beaucoup de centres d'intérêt, mais quand j'essaye de vous les partager, vous les balayez d'un revers de main méprisant, car ces sujets là ne vous intéressent pas, et j'ai mal.

Souvent je me demande ce que je fais là, dans cette famille qui si elle le pouvait, m'échangerait probablement contre un autre qui correspondrait davantage à ses attentes, enfin, c'est ce que je finis par croire, et j'ai mal.

Je me sens tellement triste, de ne pas être vu, entendu, accepté, accueilli et aimé tel que je suis, et j'ai mal.

Que dois-je faire pour être à la hauteur de vos attentes?

J'y ai beaucoup réfléchi, et toutes ces fois où vous me reprochez de "faire la gueule", sachez que je ne la fais pas, je suis juste triste, désemparé, desespéré, en colère et fatigué de n'être jamais là où vous m'attendez. Vous souffrez? Sachez que moi aussi.

Oui les enfants, sont aussi submergés par leurs émotions, mais ne savent ni à qui ni comment en parler, et ça fait mal.

Je crois aussi que quoi que je fasse, tant que vous ne serez pas guéris de vos propres blessures, vous ne verrez pas qui je suis en vérité, et j'ai mal.

Pour finir, je vous dirais que je vous aime, quelle que soit la façon dont vous me traitez, mais une chose est sûre, moi, j'ai fini par ne plus m'aimer, et ça fait mal.

La vie me guide, depuis quelques temps, à être de plus en plus présente auprès des enfants. A travers tous les messages que je fais passer, entendez bien que je ne juge pas, ne cherche pas davantage à culpabiliser. Je suis mère, je vis mes expériences en tant que telle et je déplore, puisque nous aimons parler d'éducation, qu'il n'y ait pas d'école de la parentalité.

Accepter de nous observer, identifier nos difficultés, nos incohérences, nos parts blessées, apprendre à nous aimer chaque jour un peu plus, un peu mieux, afin que nos enfants, eux, n'arrêtent jamais de s'aimer.

Merci à vous, merci pour eux.

Avec compassion et Amour Infini 

Maïtika Coeur Arc-en-ciel